13 novembre 2013
Nous avons rendez-vous avec l’homme qui, un jour peut-être, sauvera votre mariage ou vous évitera d’être déshérité par la vieille tante Gisèle. Ce magicien nous attend dans son atelier, quai de Jemmapes.
René Agogué, est maître cristallier et gère depuis 10 ans la cristallerie Schweitzer.
Cette cristallerie vieille de 123 ans a été rachetée dans les années 30 par la maison de vin Nicolas (oui, celle qui abreuve vos soirées parisiennes) et fut confiée aux bons soins du gendre, Albert Schweitzer (non, pas le savant). Il meurt en 1985 et ce sont ses deux plus anciens compagnons qui reprennent la maison.
Depuis 10 ans René redonne ses lettres de noblesses à ce vieil atelier figé par le temps. Nous voici en 1890. La verrière qui donne sur le canal St martin inonde de lumière cette minuscule pièce aux murs ocre. Les antiques poulies qui courent sur les murs et au plafond commandent toujours les meules à polir.
René, le sourire en partie masqué par une moustache comme on n’en voit plus et dont vous ne verrez que ce malheureux croquis (il n’aime pas que l’on photographie sa « trombine »), nous interroge sur le cristal.
Je réalise que je ne sais pas grand-chose sur le sujet. Si vous êtes comme moi, petite mise à niveau.
« Quelle différence y a-t-il entre le verre et le cristal ? » : Comme le verre, le cristal est principalement constitué de silice (sable très pur), mais il renferme aussi 10 à 32 % d’oxyde de plomb. C’est pour cela qu’il est plus dur et diffuse mieux la lumière
« Où et quand est né le cristal ? » : En Angleterre, en 1627.
« Comment à t’on découvert le cristal ? » : Un accident et un peu de paresse comme souvent. L’histoire raconte qu’un ouvrier paresseux, plutôt que de transporter un lourd tuyau en plomb se serait débarrassé dudit tuyau dans un four à verre. Au matin les maîtres verriers découvrent un verre différent, plus agréable à travailler.
Mais l’histoire est probablement moins romanesque. Au 17ème siècle l’Amirauté britannique, pour assurer la production des mâts de navires dont elle avait besoin, interdit aux verriers d’utiliser le bois pour alimenter leurs fours. Les verriers essayent toutes sortes de sources d’énergies, dont le charbon récemment découvert. Mais celui-ci donnent une coloration brunâtre au verre. Ils testent donc d’autres « recettes » notamment en ajoutant de l’oxyde de plomb qui accélère la fusion. Ils obtiennent alors un verre d’une qualité surprenante.
Le cristal est né.
Une dernière anecdote, le célèbre cristal italien Murano est travaillé sur l’ile du même nom et pas à Venise car les cristalliers enflammaient accidentellement la ville un peu trop souvent. On les a donc gentiment priés de s’installer sur l’ilot tout proche où ils pouvaient tout faire flamber à leur guise.
Fin du petit cours d’histoire (très résumé). Nous entrons à présent dans le vif du sujet: que font donc René, Brunella et Clémence dans cet atelier en plein Paris ? Ils restaurent et réparent le cristal. Ils sauvent l’antique service transmis de génération en génération de la maladresse du petit dernier.
Les verres ébréchés sont retaillés (la réparation passe par une diminution de la hauteur, il faut donc parfois rabaisser le service entier). Les arêtes du verre sont ensuite travaillées pour ne plus être coupantes, puis les bords sont polis pour retrouver leur brillance.
Toute sorte de réparations sont possible. On peut par exemple recoller le pied d’un verre à l’aide d’une colle agissant sous l’action des UV. Souvent le « fil », la ligne de cassure, n’est plus visible du tout.
Reste enfin le cas des puzzles ! Il arrive que certains clients apportent des pièces brisées dont il manque des morceaux. Commence alors un long travail de patience pour reconstituer le plus possible de la pièce (il faut au moins la moitié des morceaux pour pouvoir recréer le galbe).
Ensuite, on adresse l’ancien modèle à un souffleur de verre ou de cristal, qui fabrique une ébauche. Puis il faut tailler et décorer la pièce afin qu’elle soit parfaitement identique à l’ancienne.
Cet incroyable travail de patience est réalisé à l’aide de ces meules à cristal entraînées par les poulies du plafond.
4 étapes du décor sur cristal
Qui fait appel aux services de ces artisans aux doigts d’or ?
« 90 % de notre clientèle est composée de particuliers. L’avenue Foch, des antiquaires de New York, des têtes couronnées et quelques stars nous confient leurs trésors. Mais j’ai une grande tendresse pour ces gens modestes qui au soir de leur vie, veulent laisser à leur descendance ces objets qu’ils ont connus en bon état. Il y a beaucoup d’affectif dans ces murs et il n’est pas rare que des gens laissent échapper une larme quand ils récupèrent leurs bien restaurés. L’aspect matériel vient bien loin après les souvenirs d’une vie… »
René est à présent retraité, mais il continue à veiller sur la cristallerie avec le même enthousiasme, le même amour de son métier.
Il organise une fois par an des journées portes ouvertes pour présenter et faire connaître l’atelier. Alors si vous ne savez pas quoi faire ce week end, allez donc causer avec ce passionnant moustachu !
Cristallerie Schweitzer 84 quai de Jemmapes 75010 Paris Tél. : 01 42 39 61 63
PORTES OUVERTES
15 Novembre de 10h à 18h30
16 et 17 Novembre de 13h30 à 18h.
Étiquettes : cristal, interview, Jemmapes, Murano, Schweitzer, verre
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Super intéressant !!
et bonne adresse à connaitre .. ;-)
L’homme est passionnant !
Comme ça tu manipuleras le service en cristal plus sereinement ;)
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